Loire, mouvement deux

Ta tristesse
Tu ne peux pas la dire
Être là
Christian Gabrielle Guez-Ricord


prolonger par un nouveau texte : rejoindre

l’homme assis là, près de moi, untel parmi les autres, dit Loire c’est un chant, c’est Callas que je vois

comme un chemin se retourne,

dans nos têtes parfois,

sur lui-même,

reconsidère dans le calme,

ce que furent ces courses, ces ornières, ces reculs,

ces bas-côtés où nous avons laissé des ongles,

de la peau sur les ronces, les cailloux

Loire aussi, comme un chemin,

se retourne,

sur les regards, les voix qui affleurent,

à la conscience éblouie de ses eaux de surface

et des paroles passent, sur l’autre rive, à propos de la pluie,

quand un soleil sans défense,

ouvert aveugle dans les reflets d’eau morte,

flotte jusqu’aux dents de la loutre

l’homme, untel parmi les autres, sa main qui va, longue douce, étale, sur le dos de Loire

les errants que Loire jette par ennui dans les traverses,

où le jeûne et le froid leur font un lit,

couchent les grandes laisses, ombres et repentirs

sur la plage des paumes,

où le visage aimé repose, reposera toujours,

car Loire a ciel d’oeil très ouvert, très pur : l’inconnu même du visage aimé,

qui monte lentement à portée de lèvres,

sable qui bat, nuit qui veille, claire,

à la naissance du poignet

Loire c’est elle, un chant, dit l’homme assis là près de moi, son profil si tard, penché au-dessus des années, leurs oriflammes, leurs ponts où l’on devine, aux libertés qu’y prend le vent, la beauté des ruines qui approchent, porteront à la poussière sa main, glissée belle, forte, dans le cou de Loire

les errants que Loire perd, dans la boue avec leurs traces,

parmi ce qui bave, ce qui meurt et ce qui va naître,

marqué pour l’embûche, le bond,

coulent sans bruit dans la langue de l’eau,

de la possession,

du désir frais fumant sur la pierre,

comme un coeur qui voit le ciel,

avec son dur noyau de mystère, cet érotique clôt, impénétrable,

autour de trois nuages se hâtant vers la mer

l’homme assis là, près de moi, qui dit Loire c’est un chant, sa main qui va, caresse Loire avec le soir et ses vagues, ses trembles, puis la laisse filer au-delà des berges, des ponts, dit Loire c’est Callas que je vois, un chant, avec des larmes, si tu écoutes bien, un chant de larmes



© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mai 2009
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