Des grands lacs

D’un port oublié, quand le cartographe meurt sous le vent sans généalogie
Christian Gabrielle Guez Ricord


prolonger par un nouveau texte : tenir ensemble

Écrire : horizon soumis à une forte évaporation, devenant mort sans perturbation visible au seul souffle qui l’approche - avec menace de nuit inversée sans étoiles : tirer profit de la lumière absente, sa sonorité, sa trace métallique.

 

des grands lacs cette infime,

cette érotique patrie de leur réseau de souffle,

avec forges en excès dans les bronches ferriques

et mains qui cherchent l’air,

la barre du souffle,

l’assemblage d’air par force,

tenon et mortaise entre les côtes,

peau étrillée par les vents maigres

sous la chemise de martyr,

le plus sordide, le plus souillé des bagages

dont le poème s’alourdisse

dans sa barque de nerf,

quand l’amour quête sous les porches l’approbation du sexe,

nuit, ployant la nef dans le renfoncement des piliers d’angoisse,

fortes mains d’homme à pétrir la lave

lourdes comme des enclumes,

la masse de fonte dégorge,

gueuse coulée dans la toison des cales, avec son cri fusible,

l’emboutisseuse au coin des cuisses croise sous les épines,

et le sang sur la blessure jaune

coule de là-haut,

des flancs du vitrail jusqu’aux dalles de laine,

suaires et toges dans le même feu de joie,

la même encre,

la même salive baisée sur la langue nouée au sexe,

embouché à la source,

et le chalut qui racle,

enregistre dans ses carnets à phrases la perte de connaissance avec les eaux de la mère,

à chaque délivrance

violée, noyée à nouveau,

quand les trous de la langue protestent,

appellent salive et sperme ce qui bâillonne la mort très intime en son plus voluptueux,

en sa vraie tristesse :

l’orage des reins sous les os du crâne,

la clouterie d’amour et ses tenailles fondues à leur proie,

la joie même sur la croix,

où le plâtre s’écaille,

de l’écorché aux yeux vastes

berçant la tête des poètes seuls,

arrimés dans le noir à leur cancer de la langue,

à la prière qui fracture les tiroirs où elle brûle,

couvre de métastases incandescentes

les doigts de l’écriture qui la forcent

trempe souple des muqueuses,

dans le va et vient des grands lacs par dessus l’épaule,

cent fois sucée, cent fois mordue,

cette nuit des fondrières, des ostensoirs,

librement dans les travées s’achemine le rêve,

celui de la mine et son ciel ouvert,

où le corps enfin rangé dans cette boîte,

qu’il porta jusqu’au dernier jour sur son dos de marionnette,

ne fait plus qu’un enfin,

avec l’homme

 


Extrait de En ces lieux, inédit


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 17 janvier 2010
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