La mer ou autre

« Tournant le dos. Allant dans le matin froid. Un fichu noué, de soie claire, sur des cheveux sombres. Allant... À partir du faux-pas qui dégage le ciel... »
Jacques Dupin


prolonger par un nouveau texte : la relation

La mer ou autre : purement de surprise, lapidaire.

Au concassage des Korpoo, des Naantal, des Saremaa : osseuse, grise. Aux moutons, à la meule, aux décisions du hasard.

J’ouvre une barque sans suite sous mes notes, gelées à cœur : lieu rude à son niveau, champs cruciaux de scies, sol d’airelles, moi courant l’intime dans la sphaigne et le déchet, à vide. L’espace comble, bourré de paysages. En souffles. En îles apparues : huileuses, herbues, squales, passes et goulets. Cette encre dans le vrac, le grain, la pépite, où la noyer si crâne, si coriace dans la tourbe : maigre, fraisil de baltique ajouré de migraine, mais à brûler, aveuglément.

Au nord de tout allant, de toute bête : si fort tombée de froid. Humble, sans histoire.

Jour qui dure dans la transparence des saisons : lacs de vent où mener gel, avec des noms d’aiguille, pour le soir, pour l’horizon à faire nuit, la fente morne et la mousse sèche. Si même insère un doigt, un son, la voix tenant la crête, le tranchant, l’épreuve est toujours là, où je couche : crevasse écrite, monologuée, sans air. Le tout par bribes, dans la battue recalculée : j’éternise l’immédiat dans mes bras d’eau mortelle, et je vais.

Friches longues, marécages ourdis à la ligne, par bleu de bonace mais à grand peine, loin au-delà des pensées : je toute petite est seule, sur l’axe aux casses, aux coulées. Funambule d’onglée je lyre des pages à vif, je déchiffre, j’interprète. À ras libérant l’onde, au pas des cloîtres, tout en cerclant le monde : mer marchée de face pour les miraculés, avec des îles premières, des berceaux. Là mes sagas de secours, de tout l’être à l’encan ravalées dans un rêve : galères-totems et l’ivresse, la masse de l’instinct, la plongée : puis ce gel abhorré, l’encaissement du silence.

Mais vraiment, belle au bitume ici, alitée, une étoile : comme entièrement fêlée d’écrits assourdissants, le mot sirène alors, perforant l’aube hantée de vieillesse, de somnolence.

Sous la maison l’exil, sombre chaleur : dans les arbres et les livres, oeuvrant très lente, et dans les corps aimés, les autres ciels : et soudain trop tard sonne présent, vivace, accablant, tout en chair.

Ou lame basse, refrain : le dit toujours des galets d’anse, les sans-grades, au ballast échappés : marée d’épure acheminée en demi-teinte, avec laisses et délaisses, infiniment comptées, répétées.

Je est seule ici, de biais en pente, marge et bord dérobés : façon de faillir avec zèle, mes amours, d’expatrier l’instant du temps et le mot du dictionnaire : aux cendres du nord écheveler ce blond, générique et lunaire : partir.

Repli cuisant sur un pourtour d’hiver, la courbe enveloppante m’offre ses jamais, son envers, ses reculs : dehors fermé dans un bassin saumâtre, fatigué, je est ce crin-crin de la rumination des ans, avec la mer ou autre, purement de patience, de soutien.


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 19 mai 2017
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