ciel friable

« traces, pour simplement les deviner, les flairer, les annoncer, les transcrire et les suivre du plus loin, mais une trace alors, seule, qui éclaire, et subjugue... »

Jacques Dupin


prolonger par un nouveau texte : langue

ciel friable, ventre nu et sa ligne d’étonnement : rien de visible vraiment,

des draps le son, le fleuve, le froissement,

les hautes terrasses closes et l’avalanche fouillée d’éclairs

mais aussi de fourvoiements, d’attente,

de quais de transit : des gares intimes

avec faux départs,

puis la coïncidence,

la petite mer à son avènement,

un clapotis caché, nuancier tout d’approche,

riche messager d’odeurs

et bercement,

mouvement de fixation, de convergence,

retrait où se fera une vision,

avec cursives lentes vaguant l’index où ça bée, ça râle, 

où ça râpe faillé, à cru, à frottements célestes –

oubli des murs et se prémédite, s’élève,

une entrenuit terrée menu

dans le temps, dans la chaleur des cuisses

et la courbure d’acier d’une eau qui casse,

rythme écart chargeant net, en arc,

enclume transversalement de cet horizon pécheur,

et sa compression maîtresse :

orbe musculeuse,

barre d’outremer et cet emmêlement de peur,

sur le rebord,

ressac de dos prié dans le creusement des reins :

large viscosité du champ,

hanche à vif et l’eau s’allonge, les doigts ouverts, le cri épars :

une berge, une battue sans gréement près de barques

trop douces, et les petites bêtes, leur front triste, l’épuisement –

 

un horizon de pierre extrême où la nudité s’essouffle :

immatériellement tenu, le visage est crispé d’obliques : la chair est d’avance lumière, à petits feux saignant dans cet opératoire obscur : larme, tombée d’un mouvement d’amour,

débride la plaie de la bouche savante,

entre deux doigts lissée :

parfois, encore plus devenant morte – basse close sur le froid voulu, il me suffit devant ma porte, de quelques fagots contre un mur - je m’approche d’elle :

à même le mouillage

intermittent de la parole,

je m’approche d’elle,

langue de survie :

lunaire,

somnambulant, matière fuyante, entre des cols carrossables

avec passes, ombilics et verrous, respiration hachée, et névés où rompre d’enfance les chiens effusifs

jusqu’aux ongles bleus –

langue de survie, ébranchée au rasoir, couturée,

par la tempe aiguisant les faciaux en lamelles, migrainant à coups de pic sur l’épaule, la tête qui veut dormir –

et sa mélancolie des nombres, sa façon d’infini,

tatillonne,

ses pesées à l’once, ses mégots son magot,

son usure,

tiroirs raclés et livres rances,

décomptes d’abcès en désécriture,

obsolètes -

parfois je m’approche d’elle : encore plus devenant morte – il me suffit de voir ces routes qui rebiquent, ces emboîtements d’impasses, couples gel/dégel, engrenages perclus de sable

et chair levée contre, lenteur de vivre et désormais trop tard –

je m’approche d’elle,

langue bordière,

et traversière,

archiviste de petit bois, feuilles et cailloux,

de tous ces vides dehors au plus simple,

ouverts soudain à la surprise du pas :

le visage dans chaque port

a des amours rudimentaires,

usées comme la pierre du môle,

son oeil est opaque, à terreur polygone

d’une mouche

dans les mots noyée,

sans appel,

et je laisse aux entrepôts ces corps

que j’aime,

raidis en étais, à peine colorés d’un faible ton de chair,

jusqu’au signe de ciel friable,

venu dans la langue de survie, avec quelques notes,

quand je m’approche d’elle,

quand je bascule dans mes paumes

son visage crispé d’obliques,

le réchauffe,

et que j’attends,

et qu’elle parle,

ou qu’alors au moment de se produire,

la coïncidence s’éclipse,

on ne peut savoir

 


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