rejoindre

« La poésie est le moment apertural de la parole. En lui nous avons ouverture à l’être, c’est à dire au Rien, dans le vide éclaté duquel nous co-naissons avec l’événement. » Henri Maldiney


prolonger par un nouveau texte : la pluie chaude et le vin

rejoindre –

ou se laisser,

par une hésitation,

un bascul,

un retrait subtil dans le jeune silence,

enseigner –

par la lenteur –

se laisser prendre,

enseigner –

apprendre –

se laisser apprendre : le heurt de l’air – l’eau, où le jour trébuche, par fins quartiers : une suspension, un amenuisement à la verticale, mais sous le pas, retiré lentement, friable : comme s’il n’y avait rien

ni sol – ni point – pour le partage, ou le ciel : tout est là, avec des ombres limpides, des flottements – il y a une émergence, elle est improbable, et c’est l’attente – l’exposition – des sonorités légères, sur la membrane étroite – des plages déclives – des lavis balayés, la transparence – dans toutes les directions : l’ouvert – quelques gouttes, une estompe – à la manière d’être, le visage seul : le champ infini des questions

ou phare veilleur, pour sommeil en retour : que ne repose pas le cours interrompu du rêve – blanches croûtes d’alcali : la glaise, où la parole est de faible horizon, où ses brisées sont illisibles – glissement de la terre dessous – avec une musique, en avant de la voix, dans le souffle

cela qui forme, avec la tête, un regard, une île : muscle d’une seule venue, une pierre tendue sur la table de la mer – tout est là, dans la fente des paupières – pour une mise en phase, de mot à mot, dans l’écart : la floraison soudaine, et ses poussières sensibles – la dure nuit – la plaine – les granits somnambules – plafonds balayés de diodes lasses – l’entrecoupé – le vide où la hanche, prend appui : tourner les grands froids, marcher l’averse, en aveugle, vers ce noir tombé de caresses, où se lécher, où se mordre

traîne saison, aux arrières d’orage : au ras des guichets fermés, des landes – des bureaux qui font eau – l’invisible tâtonne, en même temps que la peur : rien de support, de socle, mais un pas dans l’air, du bout du pied, inachevé – face à la ration de mort, détachée des seuils et des routes – l’air – l’éphémère, le contredit : comme s’il n’y avait rien – des lignes délavées, fendues de bise, de gelée – le fleuve, sous les rideaux : sa façon de dormir – étranglé dans la vitre – moteurs noyés – machines stoppées – ciel des fixes : vastes panneaux de vent sur la cuirasses des grès, ce mouvement des couleurs – dans la langue blanche, frappée d’absence – d’obscurité

lichen de résurgence : où vivre grumèle, comme un brouet – un remâchage – près des rainures, ces troncs encroués dans leurs châles – ce fractionné, qui fait les comptes : aux lèvres, sans limites, il y a du lait – des sexes – des babillages – des succions de neige, avec du feu dedans

écume, limaille, le matelas bourré de mots – des étrangers, des graviers de bouche : crachés, des osselets sans écho

sommeil aux aguets – veille, poings fermés : retourner sur soi, le poids du monde, dans un soupir – le roulis vertige les pauvres corps de surface – dans leurs vieilles douleurs – l’eau est seule, d’autre dimension : patiente, concentrique – sèche – avec des souvenirs dans les orbites – dans les cuisses

il y a ces endroits serrés, ces passes – ces creux dangereux où mon amour dort : le tien, le nôtre et son nom – le drap l’embarque avec des fleurs brûlées, île crevant la contradiction des murs, et que plus rien n’abrite : une parole indéterminée, la nuit la soutient, au loin, à l’écart

rejoindre,

dans le jeune silence, un retrait – une timidité – le petit être des interstices – le froid de la nuit express, tout encombrée de son corps – la cassure du corps, infiniment divisible – jamais vraiment mort – le cristal de sel, endormi dans la roche : il la fait éclater – et c’est la nuit du visage seul, appelé, sorti nu de tous les visages


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 30 septembre 2013
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